Kardiogramma...

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À l'aide du plan détaillé fourni par la pension, on fait quelques repérages le long du ruisseau. Les lucioles Genji, dit-on, devraient y apparaître par milliers. Ce soir, je suis le conseil du patron de Ishinoyu lodge pour choisir notre emplacement. C'est dans un coude du ruisseau envahi par les herbes que je pointe mes objectifs. Les lucioles sont au rendez-vous, laissant dans l'image des traces étonnantes, un cardiogramme reflétant leur excitation amoureuse.

 
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Shigakogen

Direction Shigakogen dans la région de Nagano, en suivant les indications de Ohara-san. Après un long voyage en train et en micheline, un bus nous conduit jusqu'au haut plateau de 1600 m d'altitude et nous laisse au milieu d'une forêt de bouleaux. C'est l'endroit le plus haut du Japon où apparaissent des lucioles Genji. À l'arrêt de bus, on attend que quelqu'un vienne nous chercher en voiture jusqu'à notre pension, Ishinoyu lodge.  

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Disparition des lucioles

 

Au début des années 60, à cause de la pollution atmosphérique et, surtout, à la campagne, à cause de la pollution de l’eau (fleuves d’azur et canaux limpides), les lucioles ont commencé à disparaître. Cela a été un phénomène foudroyant et fulgurant. Après quelques années, il n’y avait plus de lucioles. (Aujourd’hui, c’est un souvenir quelque peu poignant du passé : un homme de naguère qui a un tel souvenir ne peut se retrouver jeune dans les nouveaux jeunes, et ne peut donc plus avoir les beaux regrets d’autrefois).

Ce « quelque chose » qui est intervenu il y a une dizaine d’années, nous l’appellerons donc la « disparition des lucioles ».

Pier Paolo Pasolini, L'article des lucioles écrit en 1975 dans Corriere della Sera sous le titre « Le vide du pouvoir en Italie »

 
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Pieds dans l'eau..

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Ce soir, c’est la fête des lucioles Heike. Ota-san m'indique un talus d'herbes sauvages où les lucioles sont nombreuses. Je plante un trépied en contre-bas du talus et un autre vers la rizière. Le ciel se reflète dans l’eau entre les alignements des tiges de riz fraîchement repiqué. Quand les nuages s’estompent et que la nuit tombe, la danse des fragiles lumières dans le noir commence. Elles volent en tous sens, de plus en plus haut. Les pieds dans l’eau, les insectes nous frôlent et nous piquent. Nous restons là à contempler ce spectacle magique jusqu’à 21 heures. En nous quittant, Ota-san nous offre 10 kg de son riz Watazu-mai de la dernière récolte, en s'excusant car le riz Hotaru-mai (riz des lucioles), la plus haute gamme de sa production, a été entièrement vendu. Il me promet de nous en envoyer en France après la récolte de l'automne.

 
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Ferme Ota

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Après une heure et demi de route depuis Fukui, nous arrivons à Watazu, la patrie des lucioles (Hotaru no Sato) de Yukata Ota qui n’en revient pas que nous soyons venus de France pour voir « ses » lucioles. Dans ses rizières, au pied du mont Hakusan, il cultive du riz sans aucun pesticide depuis 15 ans.  Il nous emmène voir les lucioles Genji puis les lucioles Heike, intarissable sur leur taille, leur reproduction, leur alimentation : ainsi, les lucioles Genji sont les plus résistantes, leurs larves se nourrissent de petits coquillages de rivière « kawanina » et en consomment une vingtaine, les adultes mesurent entre 10 et 18 mm et les femelles pondent de 500 à 800 œufs pendant les 10 jours de juin. Nous l'écoutons avec admiration au point de rater le début de la prise de vue. Mais j'ai tout de même réussi à capter les lucioles sur les feuillages.

 
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