Conte de la lune vague...

Je reviens à Otomi le long de la rivière Ajimi, à l'endroit repéré la veille. Ce soir, je suis subjugué par le spectacle inouï qui n'en finit pas. Impossible de partir et je reste jusqu'à 22h30.  Puis je décide de poursuivre ma quête jusqu'à Ijira, 2km plus haut, à l'endroit que Matsuda-san m'avait indiqué. C'est la pleine lune, il fait clair comme le jour, les cimes des montagnes apparaissent comme dans un lavis d'encre de Chine. J'avais souvent entendu dire que les lucioles n'aiment pas sortir par les nuits de pleine lune et pourtant ici elles font la fête. Seul au milieu cette féérie, je sens battre mon cœur et je me crois dans un film en noir et blanc de Kenji Mizoguchi.

 
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Notes de chevet

 

Au printemps, c’est l’aurore que je préfère. La cime des monts devient peu à peu distincte et s’éclaire faiblement. Des nuages violacés s’allongent en minces traînées. En été, c’est la nuit. J’admire, naturellement, le clair de lune ; mais j’aime aussi l’obscurité où volent en se croisant les lucioles. J’aime voir leurs lueurs, une par-ci, deux par-là. Même sous la pluie, la nuit d’été m’enchante.

Sei Shônagon (966 -1025), Notes de chevet*

 

*Editions Gallimard / Unesco, 1966, traduit par André Beaujard

Nouveau voyage

Juin 2016, nouveau voyage au pays des lucioles. 

Dès mon arrivée à Fukui, je prends la N.168 en direction d'Ono pour rencontrer Matsuda-san, membre actif de l'association locale pour la préservation des lucioles. Il habite à Kamiyôro où j'étais venu l'an dernier sans réussir à les photographier.  Et cette année encore, Matsuda-san, désolé, m'informe que la saison est presque finie ici.

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Alors, il m'emmène dans des endroits plus reculés où les lucioles sont encore actives. Je suis sa petite camionnette à travers la montagne par des chemins un peu risqués et on arrive à Ijira. La veille, il a vu beaucoup de Genji derrière le petit bâtiment thermal, au bord de la rivière Ajimi. Puis il me conduit jusqu'à Otomi, 2 km plus bas, le long de la même rivière et me présente au paysan Matsue-san, lui aussi membre de l'association. Et puis, nous  rejoint Hasegawa-san qui est photographe. Le spectacle des lucioles est tout simplement inimaginable, je n'avais jamais vu une telle magie.

L'image est floue !  Au bout d'une année, j'ai perdu la main pour la prise de vue nocturne... 

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Riz des lucioles !

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Un superbe cadeau nous vient du Japon !
Dans un grand colis, venant de Watazu, on découvre 8 paquets de riz de 2kg. C'est le riz des lucioles, Hotaru-Maï, fraichement récolté cet automne. Ota-san nous avait dit en juillet qu'il nous en enverrait en France. Il y a aussi des patates maru-imo soigneusement recouvertes par des sciures de bois.
Cela doit largement peser 20kg ! On n'ose pas imaginer le coût d'envoi par avion... Aussitôt, on cuit le riz. Jamais je n'avais goûté de riz aussi bon, aussi beau, ferme et brillant. Je dévore jusqu'aux derniers grains de riz en pensant à ma mère qui me répétait toujours qu'il ne fallait pas laisser les grains de riz collés dans le bol parce que "pour ces grains de riz nos paysans avaient travaillé dur ". Elle avait bien raison...

Deux grains de poussière

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Seuls sous la pluie, on pointe les objectifs vers l'endroit repéré la veille et on attend dans le noir... Il pleut moins mais il fait tellement froid qu'il nous semble que la saison est finie. En effet, ce soir pas le moindre vol de luciole...  Mais à notre retour à l'hôtel, sur l'écran de l'ordinateur, je découvre deux petites traces lumineuses comme deux grains de poussière dans le noir !  

La saison des lucioles de 2015 s'achève ici à Kushiro.

 
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