Rêverie

 

On ne les avait pas aperçues jusque-là à cause de la taille des hautes herbes et parce que, attirées par l’eau, les lucioles qui en jaillissaient voletaient en étirant très bas leurs tracés capricieux. — Même les yeux fermés, Sachiko revoyait nettement, prolongeant jusque dans sa rêverie les trajectoires déconcertantes de leurs lueurs fantomales, les lucioles qui s’entremêlaient à l’infini, au loin, très loin, jusqu’aux limites du ruisseau et sur chacun de ses bords, leurs sillages sans nombre, alors que l’œil percevait encore confusément les longues oscillations des herbes proches, juste avant que, la nuit plus dense montant comme rampant du fossé même, ne s’établit le noir le plus profond…

Junichirô Tanizaki, Bruine de neige

 
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