Sentier des lucioles / Path to fireflies

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Danse macabre

Sous leurs yeux, des myriades de lucioles ondulaient en vagues silencieuses au bord de la rivière. Et cette vision n’avait rien de la splendide et féerique image à laquelle, tous, ils s’attendaient. Danse macabre et solitaire d’atomes noctiluques, le nuage de lucioles déposait, comme au creux d’une cascade, une lueur remplie d’un insondable écho de silence et de mort ; et dans un dégradé de plus en plus ténu, il s’élevait en froides étincelles, toujours plus haut vers le firmament.

Teru Miyamoto, La Rivière aux lucioles, 1977

Editions Philippe Picquier, 1991, traduction Philippe Deniau

Un étonnant passage, où cet " insondable écho de silence et de mort" est bien loin de l'univers poétique attendu...
Pourtant c'est bien cette sensation de peur qui m'envahit devant l'eau noire au-dessus de laquelle les petites lueurs s'agitent dans le silence. Et lorsque toutes ces lueurs se mettent à clignoter puis à s'éteindre en même temps comme la respiration d'un être invisible, mon sentiment d'effroi est à son paroxysme...
"Caprice" de mon imagination ? Est-ce l'invisible Narcisse, disparu dans les eaux noires, que veille la nymphe Echo de ses larmes lumineuses... 

Cela me fait penser à un tableau de Poussin que j'ai vu pour la première fois à Londres, plus exactement à une partie du tableau. En bas à gauche dans une zone noire, on découvre au bord de l'eau un homme mort...

Nicolas Poussin, Paysage avec un homme tué par serpent, 1648. (détail)